Hommage à nos boucles
Une boucle.
Un pas, puis un second.
Tomber et remonter.
Se sentir différente et pourtant...
Plus jamais ça.
Et puis une deuxième boucle.
Tomber et remonter.
Se sentir différente et pourtant...
Plus jamais ça.
Et puis une troisième boucle.
Même situation, même réaction.
Tomber et... voir.
Voir que cette boucle s’est rejouée jusqu’à ce que nous ayons suffisamment d’énergie pour passer sur l’autre rive.
Depuis quand est-elle là ? Depuis notre naissance.
Latente, montrant le bout de son nez dans une situation de vie, et puis s’effaçant... Pour tout d’un coup se mettre outrageusement en place, dans ses mouvements impétieux, telles des contractions donnant naissance à l’enfant porté.
Des contractions qui font mal et qui nous donnent à chaque fois l’illusion que c’est la dernière fois que nous allons la rencontrer.
La solution ?
La vivre, la traverser, la confronter, se laisser emporter,
La rager, la détester,
La fuir, l’amadouer, la persuader, l’embobiner,
La manipuler et puis capituler.
Capituler, car il s’agit d’une répétition d’une pièce de théâtre se jouant en coulisse, derrière le rideau.
Quel rideau ? Je ne sais pas.
Sommes-nous alors juste cette feuille au vent au service de ?...
Pourriez-vous vous présenter, oui, vous, derrière le rideau... D’un coup sec, je tire sur le tissu.
Moi.
Finalement, moi.
Pas de dieu à maudire, pas de démon se cachant dans l’ombre et se jouant de moi de son verbe psychédélique.
Juste moi.
Donc répétons consciemment cette fois-ci.
J’avais bien compris la première fois mais seul le mental avait dû percevoir la chose.
La chose ? La libération d’une âme en contraction depuis bien trop longtemps.
Se libérer prend du temps.
La terre n’est pas un paradis à première vue.
La première vue...
Se voir comme l’expérimentateur et l’observateur, l’architecte et le maitre d’oeuvre, le conscient et l’inconscient et ce je ne sais quoi qui relie le tout et le cimente.
Alors ?
Cette fois-ci est la bonne ?
La bonne... Qui peut jamais savoir.
Ah si ! Quelque chose a changé. J’ai crié avec rage que plus jamais ça. Je ne l’ai pas pensé, je l’ai éprouvé. J’ai assez répété la boucle pour emmagasiner assez d’énergie pour prendre le pont alors?
Peut-être...
La vie me le dira non ?
Alors comment faire pour être...
Comment disent-ils ? Heureux de tout, s’éveiller et rester dans une béatitude bêtifiante.
Non.
Je vais juste vivre ce passage pour aider mon âme à être libre. Ça pèse lourd des chaines. Si lourd que les pas s’épuisent à les porter.
Une autre boucle ?
Non.
Une spirale.
Pas celle de trop, mais celle en plus qui fait enfin basculer le bâteau des deux rives. Passer de l’autre côté.
De quoi ?
Je ne sais pas encore puisque je ne l’ai pas vécu.
Alors je m’accroche ?
Non, j’écoute...
J’écoute ce qui se trame derrière le rideau.
J’écoute la libération poindre son petit bout de nez.
J’écoute ce qui va nous aider à passer le pont.
Car l’aide est là, mystérieuse et fidéle, cachée dans des petits recoins d’une journée, derrière le sourire d’une personne, une phrase volée au passant...
J’écoute et je vis...
Ecoute et vis...
A nos spirales, mes amis, à nos spirales...
De la bulle ou de l’océan ?
J’hésite.
Entre deux états.
Dois-je être la bulle ou me diluer dans l’océan infini des possibles ?
Dois-je rester sagement dans l’infinitude ou dois-je m’individualiser ?
Où est la frontière ?
Existe-t-il d’ailleurs une barrière tangible, palpable entre ces deux états ?
De la bulle ou de l’océan…
Aujourd’hui, mon cœur balance. Je n’entends plus les conseils de La Vie en cet instant. Ses messages ne me sont plus audibles. Me laisserait-elle seule devant ce dilemme, tel le mathématicien dans la solitude de sa pensée face à un casse-tête arithmétique ? La Vie me propose-t-elle d’expérimenter le libre arbitre pour répondre à ma question du jour ?
De la bulle ou de l’océan…
C’est pourtant bien maintenant que j’aurais besoin de cette petite voix intérieure. Mais elle semble avoir déserté mes écoutilles.
Expérimentons ces deux états. Si je dois choisir, autant en éprouver les contours.
La Bulle.
Sentiment de sécurité.
Je peux toucher les limites de mon petit univers. Je sens les flancs de mon corps, ma cage thoracique. Je sens s’intensifier ma conscience corporelle, je perçois de plus en plus finement mes contours physiques. Un sentiment de fierté accompagne le processus. Etrange…Cette fierté enfle et je me sens importante tout d’un coup. Je me sens poussée par un désir de montrer qui je suis. Le mot « comparaison » fait surface à son tour. Plus je me compare aux autres bulles, plus je renforce les frontières de mon petit univers, plus je chéris qui je suis.
« Regardez donc toutes les couleurs qui me composent ! Je suis le roi de mon univers ! »
Où que se pose mon regard, j’en connais l’horizon. Tout va donc pour le mieux.
Satisfaction.
Je me densifie ainsi, de plus en plus. Je me sépare de l’océan du Tout possible, je me démarque, je m’individualise, je nais du Tout pour en incarner, en exprimer une partie.
Comme un enfant lâchant la main de sa mère.
Mais sans aucun souvenir de l’océan.
Je suis une bulle particulière, semblant se satisfaire d’elle-même, comme en vase clos…mais seule.
Alors, comme emportée par un expire, la bulle redescend et rejoint sa mère.
Ou plutôt, elle redevient sa mère.
L’océan.
Le silence.
Une présence.
Pas de limite, pas de barrière, pas de direction.
Ni de nord, ni de sud, ni d’est, ni d’ouest.
Uniformité des horizons.
Je peux être tout, en tout point. Je porte tous les choix possibles, simultanément.
Je n’ai pas de lieu, je n’ai pas de temps.
Je ?
Nous ?
Il ?
Et puis la joie.
Une présence aimante, sans nom, sans visage, sans caractéristiques, sans délimitations, sans sens, sans rotations.
Omniprésence.
Omniscience.
En tout point, une information totale.
Une vivacité, une intensité malgré l’apparente tranquillité.
Parfois, un déploiement d’une ligne holographique de vies alignées, sur laquelle des bulles se meuvent. Certaines se créent, fugaces, d’autres s’annihilent. Certaines prennent naissance et auront l’illusion de se détacher de leur Mère.
Illusion de la séparation.
La vie ne se détache pas de sa source, jamais. Elle émane d’Elle en filaments qui se prennent pour des bulles.
Une bulle qui se croit bulle.
Une bulle qui se pense séparée.
Une bulle qui se vit au chaud, bien identifiée parce que s’étant définie dans un temps linéaire et un espace donnés, sécurisée par une abscisse, une ordonnée et une montre.
Une bulle qui se définit à partir de quelques critères qui lui siéent.
Une bulle qui cherchera toute sa vie entière sa Mère…jusqu’à y retourner.
Alors de la bulle ou de l’océan ?...
J’aimerais juste être cette bulle qui se sait océan.
Pour exprimer ses couleurs et mieux retrouver son infinitude.
Pour me souvenir.
En écrivant cela, je sens les frontières de ma propre bulle se mouvoir, se déformer et d’une bulle, je deviens rivière.
Le réceptacle de La Vie.
De la bulle ou de l’océan ?
Je choisis d’être le calice recevant le mouvement de La Vie-Mère, que je sois l’interface des couleurs qu’Elle aura choisies d’expérimenter à travers moi. Je serais alors l’expression de sa densification dans un temps et un espace illusoires.
Être celle qui laisserait La Vie se regarder en observant le décor dans lequel je serais plongée.
Offrir un regard de bulle pour retrouver l’océan.